Je vais rarement dans les cafés, et je ne cherche pas à m’expliquer le pourquoi de cette retenue. L’autre jour, je me suis rendu compte que ce faisant, je passais sûrement à côté de quelque chose qui est loin d’être anodine, sans intérêt. Je me suis remémoré certaines de mes lectures et la faconde des racontars des « cafés de commerce » qui alimentaient la littérature populaire française.
Le café où je me suis rendu, jouxte un laboratoire d’analyses médicales où je devais y faire des prélèvements intermittents. Pour meubler le temps entre un prélèvement et le suivant, je m’étais rendu au café. D’habitude je ne prête nullement attention à ce qui se dit autour de moi. Cette fois-ci, je n’ai pas hésité à me montrer curieux en prêtant une oreille attentive à ce qui se disait dans la table d’à-côté. J’ai cédé à la curiosité car je m’étais laissé accrocher par le ton sérieux du débat, et surtout par le mot « visa », mot magique qui revenait fréquemment dans la conversation.
En résumé j’ai compris qu’une grande société française connue pour la qualité de ses produits et de ses prestations, aurait été adjudicatrice d’un important marché avec un établissement public. Il semblerait que le contrat prévoyait des visites de techniciens marocains en France pour contrôler et valider à différentes étapes l’élaboration de la plate-forme. De même, le contrat prévoyait un stage-formation de deux mois pour deux agents opérateurs et deux agents de maintenance.
Apparemment l’opération a failli tourner court, car le personnel dédié à cet effet par l’office, n’avait pas de visa. Le directeur de l’établissement aurait tout fait pour rattraper le coup avec l’ambassade de France, mais sans succès. De guerre lasse, II aurait fini par mandater une société tierce pour les contrôles et validations en usine. Quant au stage-formation, dans un geste commercial subtil, la société française aurait accepté de dépêcher pour un temps indéterminé des ingénieurs pour encadrer les techniciens marocains, et garantir ainsi un véritable transfert de technologie.
En définitif, un dénouement heureux, mais qui aurait pu tourner au fiasco.
Vous remarquerez que j’ai utilisé systématiquement le conditionnel pour signifier que je ne saurais prendre pour irréfutables des propos de comptoir. Mes voisins de la table d’à-côté ne semblaient pas accorder davantage de crédit à l’histoire elle-même, mais ils s’accordaient sur un point, à leurs yeux capital : le risque incommensurable que prennent les Administrations, les Établissements publics et même les sociétés privées qui traitent aujourd’hui avec les entreprises françaises. Les contrats d’importance ne peuvent être menés à distance, et le télétravail n’est sûrement pas adapté aux opérations d’envergure. Dans ce cas il n’y a pas d’alternative aux contacts directs entre personnels des deux bords.
Comment ces échanges pourraient-ils être assurés en l’absence de visas ?
A l’évidence, en l’absence de visas, il ne peut y avoir de contrats. Pour éviter tout entrave à notre développement, nous n’avons pas d’autre choix que de nous adresser aux partenaires qui s’abstiendront désormais de dresser des barrières aux mouvements de nos agents économiques.
Faut-il en conclure qu’il faut écarter la France des marchés publics au Maroc ?
Au risque de choquer plus d’un, la France de Macron nous livre une guerre à la fois sournoise, pernicieuse et muette. Les intérêts du Maroc sont contrariés systématiquement, à commencer par le plus sacré de tous, celui de notre intégrité territoriale. La France s’était toujours obstinée à refuser l’accès aux archives de l’époque coloniale qui montrent bien comment le Maroc a été spolié de territoires entiers au profit de son département baptisé par elle, Algérie. Rien d’étonnant que la collusion entre voleur et recéleur ait conduit le conflit sur le Sahara à une impasse qui perdure. Dans ce cas, en quoi la responsabilité de la France est-elle moindre que celle de l’Algérie ?
Mais la France a toujours su jouer subtilement pour que sa lourde responsabilité n’apparaisse pas au grand jour. Son habileté l’amenait à susciter régulièrement de mini-crises avec le Maroc pour faire diversion. Peut-on inscrire la crise actuelle des visas dans le cadre des malentendus récurrents avec la France ? Impossible de l’admettre vu la tournure que les choses ont prises. Et pour cause … .
Dans une chronique intitulée « Rien ne va plus avec la France », datée du 27 juin dernier, (https://bit.ly/3AcXDkv) j'avais souligné les côtés provocateurs, profondément humiliants, et à la limite inhumains qui régissent les traitements des dossiers de visas.
Il ne pouvait pas en être autrement car le Président Macron a lui même déclaré que la mesure avait un caractère punitif pour amener les fautifs à accepter le rapatriement de leurs ressortissants qui étaient en situation irrégulière en France.
« Punitif » avez-vous dit ? Oui ! On se croirait revenu des siècles auparavant, au temps des canonnières qui allaient bombarder les villes du littoral des pays récalcitrants. Les canonnières ne sont plus de mode, alors on va utiliser des armes qui ne font pas couler de sang, mais qui peuvent être dévastatrices pour les économies émergentes. Apparemment les visas appartiendraient à cet arsenal !
Je reviens à mes voisins de table au café. Il s’agit de trois solides gaillards, autour de la cinquantaine, impressionnant par la gravité du ton de leur débat. Le lieu, un café, prêtait pourtant à plus de jovialité, mais le sujet semblait leur tenir particulièrement à cœur. Ils n’arrivaient pas à admettre, que de nos jours, on recourt encore aux punitions collectives, qui plus est, entre États.
Ils s’accordaient sur la nécessité pour le Maroc de réagir, non par vengeance ou par toute autre réaction qui pourrait être interprétée comme de la rétorsion. Aussi ont-ils écarté l’idée, maintes fois clamée par le public marocain d’imposer un visas d’entrée au Maroc pour les Français. Imposer la réciprocité est de nature à flatter l’ego des Marocains, mais par un autre côté, elle peut s’avérer passablement dommageable. La mesure risquerait de pénaliser, outre notre communauté établie en France, toute l’activité du tourisme dont la France est de loin le principal émetteur. Ajouter à cela le fait que si la mesure est interprétée comme de la rétorsion, la partie adverse pourrait sur-réagir en allant puiser dans l’arsenal des contre-mesures. Et nous voilà embarques dans une escalade dont nous n’avons que faire aujourd’hui.
Mes voisins ont fini par s’accorder sur le fait que le Maroc se devait de décider immédiatement d’écarter la France des marchés publics. Une telle mesure ne saurait être considérée comme une mesure de rétorsion à caractère vengeur, mais juste une opération d’auto-défense pour protéger notre économie.
C’est du bon sens qui ne court pas les rues, mais que j’ai fini par croiser dans un … café de l’Agdal à Rabat.
Depuis, j’ai décidé de courir les cafés ici et là dans l’espoir de collecter des propos aussi sensés.
Abdelahad Idrissi Kaitouni.
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