L’annonce par Trump et Netanyahu du deal du siècle, était accompagnée par une diabolique campagne de communication menée tous azimuts pour asseoir les termes de cette pitoyable manœuvre qui n’est ni plus ni moins qu’un gigantesque hold-up sur l’Histoire.
Bien entendu cette campagne n’allait pas épargner un pays fut-il d’une taille moyenne comme le Maroc. Les médias israéliens ont immédiatement ciblé notre pays dans l’espoir d’arracher une décision qui s’apparenterait à une acceptation tacite du deal. Un positionnement de complaisance du Maroc conforterait Israël dans la brutalité de ses choix, et constituerait une obole non négligeable en faveur de la campagne de Netanyahu.
Les manœuvres israéliennes visant le Maroc ont commencé assez tôt, bien avant l’annonce du deal. En effet la visite du Secrétaire d’Etat Pompéo à Rabat était censée préparer l’arrivée de Netanyahu pour rencontrer le Roi Mohammed VI. Ce dernier a opposé une fin de non recevoir, ce qui a contraint Pompéo à écourter son séjour à Rabat et Netanyahu de quitter précipitamment Lisbonne.
Les médias israéliens ont cherché à infléchir la position du Roi en essayant de vendre à l’opinion publique marocaine une hypothétique reconnaissance par les États Unis de la marocanité du Sahara en contrepartie de l’acceptation du sinistre plan de paix. Connaissant l’attachement des Marocains à l’intégrité territoriale de leur pays, ils ont poursuivi leur pernicieux battage médiatique.
Les Israéliens ont réussi à marquer des points dans la mesure où on a vu fleurir ici et là, et pour la première fois, des propos hostiles à la Palestine. Les manifestants pour la Palestine qui étaient assez nombreux dans les rues n’ont pas cependant atteint en densité les niveaux habituels.
A souligner cependant : les réactions de ceux qui semblent se détacher de la cause palestinienne, étaient épidermiques, et souvent purement émotionnelles. Car personne, mais vraiment personne ne s’est interrogé une fraction de seconde sur le sérieux ou le bien fondé de ce faux dilemme : le Sahara contre la Palestine. Et pour cause, les seuls à pouvoir mettre le Maroc face à une telle alternative, ce sont les Américains, et les Américains seuls. Or, ils n’ont moufté mot !
Bien entendu cela paraît étrange que les co-auteurs du deal du siècle ne disent rien pour rallier le Maroc. On peut se l’expliquer de plusieurs manières, mais je retiendrai deux raisons qui empêcheront les USA de reconnaître la marocanité du Sahara. La première relève de l’évidence : une telle reconnaissance priverait en théorie les Américains d’un pion sur l’échiquier régional, du moins d’un moyen de pression permanent sur le Maroc.
La deuxième, relevant de considérations géostratégiques du moment, me paraît plus plausible. Les Américains savent parfaitement que la reconnaissance de la marocanité du Sahara va leur aliéner définitivement l’Algérie. Une voie qu’ils ne sont pas prêts à emprunter au vue du contexte mondial. Fâcher l’Algérie ne serait pas non plus du goût des compagnies pétrolières qui continuent à dicter la politique américaine au Maghreb.
Le rôle prééminent des compagnies pétrolières ailleurs dans le monde et plus particulièrement dans cette région est une constante depuis l’indépendance de l’Algérie. Faut-il rappeler qu’avec les bouleversements attendus, ce rôle ne sera que plus important. Malgré une moindre dépendance de l’économie américaine à l’égard du pétrole du fait de l’exploitation des hydrocarbures de schiste, les compagnies pétrolières sont prêtes à défendre bec et ongles leurs positions.
La perte d’une position est irréversible aujourd’hui, car elle passera automatiquement entre les mains chinoises. Dans le contexte de guerre économique, l’oncle Sam ne s’en accommodera jamais. Ceci pour dire que fâcher l’Algérie c’est prendre le risque de voir une implantation massive de compagnies chinoises à la porte de l’Europe, et consacrer la présence définitive de la Chine en Méditerranée.
En définitive, le faux choix entre Sahara et Palestine n’a jamais existé et s’il l’a été c’est au travers de la perfidie des médias israéliens. Les Marocains qui se sont laissés aller à des diatribes anti palestiniennes ont tout simplement été piégés par Israël. Mais les Américains, qui sont les maîtres du jeu n’ont rien demandé. Au pire, je dirai que s’ils voulaient imposer un jour au Maroc la reconnaissance d’Israël, ils s’y prendraient totalement différemment, mais sans jamais « brader » le Sahara. Lequel Sahara est aussi leur « atout-maître » dans cette partie du monde, comme il l’est pour nous !
Abdelahad Idrissi Kaitouni
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